vendredi 2 octobre 2009

Un débat ? Pourquoi faire ?

Régis Labeaume rejette péremptoirement et à l'avance toute invitation à débattre publiquement de sa gestion et de ses engagements électoraux avec ses adversaires à la mairie, dont on sait maintenant qu'il seront au nombre de six. À vrai dire, personne ne s'en étonne vraiment. Pour justifier cette position difficilement défendable, il accumule les sophismes.


Les réticences du maire sortant tiendraient en grande partie à son refus de participer à ce qu'il appelle "un dîner de con" dont il deviendrait assurément le point de mire. Si je décrypte bien la prose colorée du maire, il rechigne à être livré en pâture à ces obscurs rivaux qui, suggère-t-il, ne reculeront devant aucune bassesse pour le faire mal paraître. Admettons qu'il y ait du vrai dans tout cela. Il y a cependant un seul hic dans ce raisonnement. Il est dans la nature des choses que le détenteur de charge élective sollicitant un renouvellement de mandat devienne le "con de service" ou, si vous préférez, la principale cible dans ce genre d'exercice. Et l'on est en droit de s'attendre à ce que celui-ci accepte de s'y plier de bonne grâce, au besoin en faisant contre mauvaise fortune, bon coeur. Ce n'est peut-être pas la chose la plus rigolote qui soit, certes, mais c'est la règle du jeu en démocratie.



Régis Labeaume a lui-même été bénéficiaire de ce qui était, hier encore, un passage obligé, lorsqu'en 2007, sa participation à une multitude de débats l'a tiré de l'anonymat dans lequel il croupissait avec 3 % d'intentions de vote. Bien sûr, ce seul fait ne peut en lui-même expliquer la bonne fortune qui ne l'a plus quitté par la suite. Celles et ceux qui ont gardé en mémoire les principaux épisodes de la campagne de 2007 savent fort bien que les prestations offertes par Labeaume lors des échanges entre candidats n'avaient rien de particulièrement transcendantes. Rien, du moins, pour le tirer vers le haut. En revanche, on se souvient de la connivence que les têtes d'affiche de certains médias n'ont pas hésité à développer avec cet outsider issu du serail. Ce sont les mêmes larbins qui, aujourd'hui, lui trouvent des excuses pour se défiler.


Mais il y a plus. Le maire lève aussi le nez sur les candidats qui souhaitent l'affronter, jugés indignes d'un tel privilège. En fin analyste, le maire sortant observe ainsi que dans cette campagne, il y a les "gros" joueurs (lui), qui évoluent dans une catégorie à part, et il y a les "petits" joueurs (les autres) , ces êtres insignifiants en mal d'une visibilité qu'il souhaitent se procurer à bon compte en se frottant au super-maire qu'il est.


Sur cet aspect précis de la question, j'ai du mal à me défendre d'un certain malaise. Bien entendu, je ne dis pas que tous les candidats ont nécessairement droit à un traitement équivalent . Mais, la question qu'il convient alors de se poser est la suivante : Appartient-il au maire sortant de se faire le censeur de la qualité des candidats en présence ? Quant aux médias, ont-ils un rôle à jouer dans ce processus de disqualification ou d'épuration des aspirants en lice ? Et qui se chargera de définir les critères sur la base desquels on s'autorisera à accoler aux uns l'étiquette de candidat "crédible" et aux autres, celle de rigolo en puissance ? Sylvain Bouchard...? Il m'apparaît qu'en cas de doute, ce privilège devrait plutôt être laissé à la population.


Prenons un exemple qui illustre le caractère délicat de cette opération . Comment, en effet, traiter le cas de Yonnel Bonaventure, candidat du Défi vert de Québec (DVQ) ? S'il est vrai que ce dernier n'a pas exactement le profil d'un candidat a priori "mairable", il ne réunit pas non plus les caractéristiques d'un gogo. L'individu est un homme d'affaires bien établi, qui a connu un incontestable succès dans le développement d'une entreprise spécialisée dans l'approvisionnement des restaurants franchisés "La Piazzetta". D'autre part, son parti s'est doté d'un programme qui se veut complet et, aux dernières nouvelles, il présentera dix-neuf candidats dans autant de districts. Alors ? "Crédible ou "non crédible" le Yonnel ?





Yonnel Bonaventure




Il est vrai que Yonnel Bonaventure a commis deux bourdes qui ont fourni des munitions au Maire et à ceux qui cherchent à lui dénier toute légitimité : il a justifié sa présence dans la course par la poursuite d'un objectif plutôt minimaliste de "diffusion" du programme de sa formation politique en avouant, du même souffle, qu'il renonçait à toute prétention de déloger Labeaume. Et il a, dans les tous premiers balbutiements de sa campagne, tergiversé sur sa volonté de débattre avec un maire jugé trop polisson à son goût. Des faux pas à mettre sur le compte de l'inexpérience et d'une certaine candeur typique du personnage.


La même question peut-être posée, à un niveau différent, dans le cas d'une candidature de dernière minute, celle de Jean-Paul Marchand, ex-député élu dans la circonscription fédérale de Québec-Est (maintenant Louis Saint-Laurent). Il fut un temps où les militants de son ancienne formation politique, le Bloc Québécois, le jugèrent, tout autant que ses anciens électeurs, suffisemment "crédible" et digne de confiance pour les représenter à Ottawa. Dans quelle catégorie se propose-t-on de le reléguer ?



Je m'abstiendrai de discuter le cas de Jeff Fillion, même si je n'ai aucun mal à me convaincre qu'il réussira à attirer vers lui une part appréciable des suffrages. Pour cette simple raison, je présume qu'il faudrait lui reconnaître, en théorie du moins, le statut de joueur incontournable. Sauf que les motivations de ce dernier sont sujettes à caution. Je peux difficilement me défendre d'y voir la marque d'un cynisme délétère au service d'une opération marketing qui a d'ores et déjà atteint sa cible.



Au fond, personne n'est véritablement dupe. Il n'existe en réalité qu'un seul obstacle redhibitoire à la tenue d'un débat, et c'est Labeaume lui-même. Pourquoi Régis Labeaume prendrait-il le risque de mettre en jeu ce beau et considérable capital de sympathie que tous les sondages lui reconnaissent ? Pourquoi, en effet ? Il n'a tout simplement rien, strictement rien à y gagner.


Alors, aussi bien nous faire à l'idée. Le débat tant espéré n'aura pas lieu. Ne comptez pas sur les médias pour tenter d'infléchir le maire, ni pour se faire les chiens de garde d'un quelconque idéal démocratique. La "star-académisation" de la politique a fait son oeuvre. Et, vous savez quoi ? Dans le climat actuel d'unanimisme béat, on peut parier que la population ne lui en tiendra même pas rigueur, trop occupée qu'elle est à se flatter de pouvoir compter sur un maire dépeint comme "visionnaire".



J'allais oublier. Le Maire, qui n'a décidemment pas froid aux yeux, impute au Renouveau municipal de Québec (RMQ) et à sa décision de ne lui opposer aucun candidat à la mairie son refus de débattre avec ses adversaires. C'est son ultime justification, son mantra, la "ligne" qu'il se plaît à servir et à servir encore à qui veut l'entendre. Que voilà un argument commode. Commode parce qu'il lui permet de continuer à s'acharner sur une formation politique exsangue avec laquelle il a des comptes personnels à régler, tout en se dédouanant.



Commode aussi parce qu'il permet d'occulter la véritable question : cette campagne servira-t-elle à quelquechose ?

2 commentaires:

Fernand se déchaine a dit…

Votre billet est tout à fait judicieux et à propos.

Comment peut-il reprocher à certains ce qu'il a fait lui-même, pirater dans les rangs du RMQ son équipe de "yes-man"...

Anonyme a dit…

J'ai reconnu dans la phrase suivante le plaideur prudent et circonspect: "Sur cet aspect précis de la question, j'ai du mal à me défendre d'un certain malaise." Un petit "avec égards, votre honneur" avec ça? LOL

Plus sérieusement, vous dites:" Bien entendu, je ne dis pas que tous les candidats ont nécessairement droit à un traitement equivalent", comme s'il s'agissait d'une évidence. Mais devant les difficultés évoquées quant à la détermination des GROS et des PETITS candidats, n'y aurait-il pas lieu de justement traiter tout le monde également de façon à ne pas créer de distortions a priori et ainsi laisser trancher les électeurs de façon franchement démocratique, sans interférence des assesseurs de la "grosseur" autoproclamés?

G. Boivin