mercredi 30 septembre 2009

Quand la loi se veut complice...

Isabelle Demers

Isabelle Demers, la chef du parti Action-Lévis, dénonçait vertement, le 28 septembre dernier, la mairesse Danielle Roy-Marinelli qu'elle a accusée de violer sciemment tant l'esprit que la lettre de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (L.R.Q, c. E-2.2). L'objet de cette sortie ? Alors que la campagne bat son plein, madame Roy-Marinelli a convoqué une conférence de presse afin de faire le point sur l'état des finances publiques dans sa ville. Le principal problème de cette démarche, estime madame Demers, réside dans le fait que la mairesse entend non seulement tenir ce point de presse dans les locaux de l'Hotel de Ville de Lévis, elle se propose également de s'y faire accompagner par le Directeur général de la Ville.

À l'autre bout de la province, une controverse similaire fait rage. le Maire sortant de Gatineau, M. Marc Bureau, s'est lui aussi attiré les foudres de l'un de ses rivaux dans la course à la mairie en faisant publier, aux frais de la municipalité, il va sans dire, la traditionnelle allocution du Maire sur la situation financière de cette ville.

Outre les habituelles considérations d'ordre éthique (est-il envisageable qu'un maire sortant se serve de sa position pour veiller subtilement à la promotion de ses préférences politiques, de sa candidature ou de sa réélection ?), ces deux cas de figure soulèvent une question qui revêt un intérêt singulier en contexte électoral : Est-on en présence d'une initiative partisane au sens de la loi - ce qui implique que les coûts afférents devraient en être rigoureusement comptabilisés - ou d'une banale activité de communication tenue dans le cadre des affaires courantes de la Ville ?

La défense offerte par les élus soupçonnés de violation de loi électorale dans de telles conditions varie peu : la vie continue durant la campagne électorale, il faut se garder de nuire à la bonne marche des affaires de la Ville, etc. La réaction de la mairesse Roy-Marinelli, en réponse aux allégations de ses opposants, est d'ailleurs fort éloquente : "Jusqu'aux dernières nouvelles, je suis toujours mairesse de Lévis (...)".

Sans porter de jugement sur la situation dénoncée par Action-Lévis dans ce cas précis, il y a lieu de reconnaître l'existence d'abus et d'excès que ce genre d'argumentaire spécieux peut trop facilement servir à justifier.

Pour tenter d'y voir clair, on doit en référer à l'artile 451 de la LERM qui énonce :

451. "Dépense électorale - Est une dépense électorale le coût de tout bien ou service utilisé pendant la période électorale pour :

1) favoriser ou défavoriser, directement ou indirectement, l'élection d'un candidat ou celle des candidats d'un parti ;

2) diffuser ou combattre le programme ou la politique d'un candidat ou d'un parti ;

3) approuver ou désapprouver des mesures préconisées ou combattues par un candidat ou un parti ;
4) approuver ou désapprouver des actes accomplis ou proposés par un parti, un candidat ou leurs partisans.

Nul besoin de recourir aux services d'un juriste aguerri pour réaliser à quel point le libellé de cette disposition législative laisse place à interpétation. Au moment d'écrire ces lignes, le DGE avait disposé de la plainte logée par Action-Lévis en la rejettant, même si son porte-parole n'a pu exclure totalement la possibilité qu'une infraction soit effectivement commise, selon la tournure que prendra le point de presse de la mairesse Roy-Marinelli. Le fardeau d'en faire la démonstration appartiendra alors à Action-Lévis. Madame Roy-Marinelli peut cependant dormir sur ses deux oreilles. À moins qu'elle ne commette une imprudence assimilable à de la provocation ou de l'inconscience, peu de chances qu'elle soit jamais inquiétée. La loi est ainsi rédigée que les politiciens dotés d'une habileté minimale disposent de tous les outils requis pour en neutraliser les effets.

De là à prétendre que la loi favorise les politiciens en place et la perpétuation du statu quo, il n'y qu'un pas que beaucoup seront tentés de franchir.



En réfléchissant à ces questions, j'ai tenté d'imaginer ce que le DGE aurait trouvé à redire de la grand-messe labeaumienne célébrée le 28 septembre dernier, au Palais Montcalm, sous les auspices et avec le concours financier de la Ville de Québec ? Que penserait-il de la tenue du Colloque de l'innovation, dont le maire s'est servi comme d'un véritable tremplin pour la diffusion de son programme. Remarquez bien, je ne m'attendais surtout pas à ce que le maire fasse preuve de retenue en cette période électorale d'un type bien particulier.



Selon toute vraisemblance, le DGE n'y aurait pas vu matière à intervention de sa part. Et c'est bien là que la bât blesse, si vous voulez mon humble avis.

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