mardi 29 septembre 2009

Hammarby-PQ ou le défi vert de Régis Labeaume

C'est le 28 septembre dernier que s'est tenu le Colloque de l'innovation organisé par la Ville de Québec sous le thème Architecture + habitation collective. Tout ce qui compte dans le petit monde de l'immobilier à Québec, architectes, promoteurs, entrepreneurs, investisseurs, s'y était consciencieusement donné rendez-vous. De toute évidence, ces gens ont répondu avec empressement à l'invitation lancée par le Maire qui entendait bien profiter de cette tribune, on s'en doute, pour diffuser son nouveau crédo en matière de développement immobilier. J'y étais aussi, histoire de humer le nouvel air du temps.


Avec ce colloque, la Ville a voulu se charger d'une mission ambitieuse, celle d'assurer la promotion de l'innovation et de l'audace en architecture et en aménagement du territoire. Le Maire n'en a jamais fait de mystère : il estime que l'esthétisme des bâtiments construits sur le territoire de sa ville laisse à désirer, d'où la nécessité, à se yeux, de cet exercice pédagogique conçu à l'intention des bâtisseurs locaux.


Je le dis tout de go, l'objectif me semble avoir été atteint. Gotcha ! comme disent les anglos. J'ignore quels enseignements en tireront les professionnels du bâtiment à qui ce colloque était destiné au premier chef, pas plus que je ne sais de quelle manière cela pourra contribuer à influencer ou modifier leurs pratiques actuelles. Ce n'est pas parce que le Maire postule la nécessité d'un changement que cette vision est nécessairement partagée par tous.


Quoiqu'il en soit, force est de reconnaître que les participants en ont eu plein la vue et bien plus encore. Par moments, on y a fait la part belle au rêve. Pour un peu, on se serait cru à une conférence de "Vivre en ville", un organisme bien de chez nous dont les animateurs préconisent depuis belle lurette de s'inspirer ouvertement de modèles alternatifs de développement urbain axés sur les principes du développement durable. Les environnementalistes salueront à coup sûr ce parti pris.


Les présentations successives ont permis d'effectuer un survol de certaines expériences d'éco-quartier qui ont acquis une renommée internationale et que l'on cite de plus en plus en exemple, comme le BedZed (Beddington Zero Energy Developpment), en banlieue de Londres, le quartier Vauban de Fribourg, en Allemagne, et bien d'autres. Le Canada n'est pas en reste, comme on a pu le découvrir, la Ville de Victoria (C-B) ayant elle aussi pris le virage du développement durable avec la réalisation de son tout nouveau quartier Dockside Green, localisé en bordure du littoral de l'ile de Vancouver.


Mais le cas qui a davantage retenu l'attention de l'auditoire est sans contredit celui du quartier Hammarby Sjöstad, le quartier durable de Stockholm. Cela tombe sous le sens. Le Maire de Québec, qui a eu le loisir d'effectuer une visite des lieux, au printemps dernier, n'en est-il pas revenu ébloui, avec le dessein avoué de transposer à Québec certains des ingédients de la recette suédoise ? On ne se surprendra donc pas que certains panélistes, parmi lesquels deux fonctionnaires de la Ville de Québec, se soient vus confier la mission d'en tracer un portrait un peu plus complet .



Avant que ne débute sa transformation au tournant des années 90, Hammarby n'était qu'une friche industrielle désaffectée, contaminée et insalubre qui occupait tout un secteur de la zone portuaire de la Ville de Stockholm. Elle est devenue depuis l'un des quartiers branché de cette ville où la qualité de vie est particulièrement prisée et recherchée. Tout y a été étudié et réalisé dans une perspective de développement durable : la densité d'occupation de l'espace, l'architecture, les infrastructures, le système de gestion des eaux et des déchets, l'alimentation en énergie, le transport, etc.





L'occasion faisant le larron, le Maire a saisi la balle au bond pour annoncer en grandes pompes son plan de match en vue d'assurer la requalification de deux secteurs dévitalisés que la Ville avait dans sa mire depuis un certains temps : la presqu'ile de Pointe-aux-Lièvres et D'Estimauville. Il ambitionne d'en faire des éco-quartiers exemplaires à tous points de vue et de rééditer l'exploit qui a permis à Hammarby de renaître de ses cendres...

Au menu de cette cure de jouvence : construction de 3300 nouvelles unités de logement avec un indice de densification relativement élevé, mixité des usages, respect de standards environnementaux qui comptent parmi les plus avancés, souci du langage architectural dans la conception des bâtiments, économie d'énergie, gestion écologique des eaux et...un brin de mégalomanie avec le projet de construction d'une tour de 33 étages, un édifice-phare qui n'est pas sans évoquer ce que l'émirat arabe de Dubaï a produit ces dernières années. Aucune méprise n'est possible, cette esquisse porte la signature de Labeaume.





Pour obtenir les détails de la stratégie que la Ville compte mettre en branle pour assurer la réalisation de ce projet, il faudra toutefois repasser. Les paramètres de l'appel d'offre que la Ville se propose de lancer n'ont pas été divulgués. Trop tôt. Coûts de l'opération : inconnus. Échéancier de réalisation : non disponible, si ce n'est que l'on s'est fixé un horizon de plus ou moins vingt ans pour y arriver. Bref, tout reste à faire.



De façon surprenante, la Ville ne prévoit pas, pour l'instant du moins, injecter de fonds publics pour accroître ses chances de recruter les partenaires privés dont elle a besoin pour que ce nouveau monde voit le jour. Le Maire ne croit apparemment pas que cela soit nécessaire. L'avenir nous dira si cette approche optimiste était la bonne. Personnellement, je demeure sceptique.



Il suffit de prêter un tant soit peu attention au discours des promoteurs pour réaliser que les obstacles économiques, fiscaux et réglementaires qui se dressent devant eux ne sont pas négligeables. Ils arrive souvent à ceux-ci de répéter à qui veut bien l'entendre que la construction d'unités résidentielles n'est pas une opération rentable, à moins de faire porter sur le futur acheteur ou locataire la charge que représente l'excédent des coûts...ou d'en subventionner la réalisation. Puis, il y a la problématique du stationnement qui deviendra un casse-tête dans les secteurs concernés. À cet égard, le niveau de la nappe phréatique ne permet pas d'envisager la construction souterraine, ce qui laisse présager un accroissement important des coûts. Ajoutons à cela le retard accumulé dans la modernisation de nos infrastructures de transport en commun, un préalable dans les projets de ce genre, pour se rendre compte de l'ampleur du défi.


On peut légitimement se demander, du reste, si le marché sera en mesure d'absorber tous ces nouveaux espaces à bureaux et/ou commerciaux que la Ville rêve de rendre disponibles. Les analyses réalisées ces dernières années pour le compte de la Ville laissent en effet entrevoir une stagnation de la demande au cours des prochaines années. C'est d'ailleurs ce qui avait incité Régis Labeaume à intervenir pour limiter la hauteur permise pour les édifices à bureaux en voie de réalisation dans le centre majeur d'activités de Ste-Foy. Qu'est-ce qui a changé ?



Même si ces obstacles sont bien réels et qu'il convient de ne pas les minimiser, il faut bien admettre que d'autres avant nous sont parvenus à les surmonter. L'annonce du Maire est porteuse d'espoir pour les résidants et les commerçants des quartiers limitrophes qui y voient la promesse d'une relance portée par un dynamisme nouveau. Ce premier pas ne peut que réjouir ceux qui se sont montrés préoccupés de l'avenir de ces zones trop longtemps laissées pour compte. Je suis du nombre.



Régis Labeaume, on le sait, est un homme qui ne laisse rien au hasard. Par cette opération médiatique à grand déploiement, le Maire a atteint un double objectif. Non content d'annoncer ses orientations et de préciser sa stratégie de relance pour les secteurs névralgiques que sont Pointe-aux-lièvres et D'Estimauville, il est parvenu à couper l'herbe sous le pied du Défi vert de Québec et à se poser en héraut des valeurs écologiques. Il ne lui reste plus qu'à renoncer à certaines mesures susceptibles de perpétuer le phénomène d'étalement urbain et à revoir sa position sur le tramway pour achever de nous convaincre que son passage au vert est sincère.



Pour ce qui est du tramway, je reste d'un optimisme que rien ne peut ébranler. Ma prédiction ? Il n'est pas si loin le jour où Régis Labeaume effectuera l'une des plus spectaculaires volte-faces auxquelles il nous ait été donné d'assister. Les indices annonciateurs d'une conversion imminente sont trop nombreux pour les ignorer.

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