Les employés de la Ville de Québec, quoique vous en pensiez, sont d'un naturel loyal et réservé. Il leur arrive rarement de laisser transpirer leur point de vue personnel ou de faire partager leurs états d'âme sur une question controversée qui est du ressort du "politique", comme ils disent. Même sous couvert de confidence. Il n'en pensent pas moins, bien sûr, et en discutent assurément entre eux. Et contrairement à ce que l'on peut imaginer, les "enveloppes brunes" n'affluaient pas à mon bureau lorsque j'occupais la fonction de Chef de l'opposition officielle.
Personnellement, ce sens consommé de la discipline et de l'éthique, cet exemplaire sens des convenances m'ont toujours impressionné. J'imagine que c'est une question de culture organisationnelle. Nul doute qu'il doit en être ainsi au sein d'une organisation de l'ampleur de la Ville de Québec.
En raison de la proximité entre les fonctionnaires et les élus, qu'il leur arrive de croiser régulièrement, cela n'est pas si facile que l'on pourrait le penser à prime abord. Les fonctionnaires provinciaux et fédéraux n'ont pas ce genre de problème, vu le cloisonnement plus étanche de leur monde avec celui des élus.
Ce qui est remarquable, c'est que cette discrétion, les fonctionnaires de Québec se l'imposent également lorsqu'il est question d'eux ou encore de la manière dont il convient d'assurer la gestion des ressources humaines au sein de la Ville.
Il leur est arrivé à plus d'une reprise de se retrouver sur la sellette depuis l'élection de Régis Labeaume. Lors de la dernière ronde de négociation des conventions collectives, par exemple. Le maire s'était visiblement donné pour ligne de conduite de ne reculer devant aucune tactique pour atteindre ses objectifs. Il y a eu des excès de langage. Cela a laissé des traces profondes chez les principaux intéressés. Reste que la majorité des fonctionnaires s'est tue et a poursuivi son travail comme si de rien n'était, encaissant en silence les rebuffades servies par le maire.
Pas cette fois-ci.
Le matin où le Journal de Québec a fait paraître la toute dernière entrevue éditoriale du Maire, celle au cours de laquelle il a généreusement distillé quelques bribes de "sa" philosophie de gestion, la grogne était palpable chez les fonctionnaires de la base. C'est comme si on pouvait la tâter du doigt. Ils ont été nombreux à verbaliser leur indignation. La sagesse de Régis Labeaume, qui disait avoir fait de la "crainte" son principal outil de gouvernance, a eu bien du mal à se frayer un chemin chez le personnel.
Tellement que l'onde de choc a été ressentie jusqu'au cabinet de la Mairie. Les moyens mis en oeuvre pour redresser la situation ont été à la hauteur du désastre provoqué par les propos imprudents du maire. Démenti officiel, menace de plainte au Conseil de presse, missive transmise à chacun des employés, vidéo d'excuses diffusé via le site intranet de la Ville, tout, ou presque, y est passé. On reconnaît aisément ce qui en est en voie de devenir la marque de commerce de notre bon maire : un jab, on s'excuse, on oublie tout ça et on repart à neuf ! Ce que j'appelle le syndrome Verner ("Appelle moi, Josée, je t'en prie...").
Pour sa part, le Journal de Québec a publié un article rapportant les protestations du maire et l'entrevue incriminée a été retirée de la page web de Canoë, histoire de s'éviter bien des ennuis. La stratégie d'intimidation des médias, autre spécialité du maire, aura une fois de plus fonctionné.
Ils seront sans doute nombreux ceux qui voudront accorder au maire, une fois de plus, le bénéfice du doute. C'est sans compter les individus qui ne trouvaient, de toute façon, rien à redire sur l'approche mise en exergue par son entrevue éditoriale.
Les employés feront-ils preuve d'autant d'indulgence ? Pas sûr...Mais, il se trouvera bien quelques abrutis pour penser que ce n'est pas bien grave...
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