mercredi 28 octobre 2009

Montréal la corrompue, Québec la pure






Rien ne va plus à Montréal. La métropole semble en proie à un lent processus de déliquescence morale et politique. Là-bas, en effet, les choses vont de mal en pis et tournent peu à peu au cauchemar pour le très neurasthénique et flaccide maire Gérald "je-ne-savais-rien-de-tout-ça" Tremblay qui, au mépris de toute décence, ne se tient pourtant en rien responsable des déboires qui affectent sa ville. Il est fascinant de constater à quel point rien ne semble ébranler l'imperturbable maire. En observant Tremblay clamer son innocence à tous vents et se débattre comme un pauvre diable dans l'eau bénite, je comprends mieux le concept de résilience mis au point par le psychiatre Boris Cyrulnik. Je me pose tout de même la question qui suit : Et si le maire d'une ville n'est pas imputable pour ce qui ne tourne pas rond , qui le sera ?



Depuis peu, cependant, Gérald Tremblay doit se sentir bien moins seul dans le rôle du filou ou du crétin de service (C'est selon...Tout dépend de ce que vous inspire le personnage). Car c'est maintenant l'ensemble de la classe politique de la métropole qui se voit éclaboussée par l'étonnante confession publique de Benoît Labonté, ex-maire de l'arrondissement de Ville-Marie, ex-chef de l'opposition et ex-plein d'autres choses, avec des états de services qu'il serait ici trop long de rappeler.










Résumons donc. Ancien collaborateur de Gérald Tremblay qu'il a trahi sans trop d'états d'âme, Benoît Labonté a furtivement caressé le rêve de devenir Calife à la place du Calife avant de passer le témoin à l'ex-ministre péquiste Louise Harel. Discrédité par des sources restées anonymes qui l'ont accusé d'avoir touché de l'argent douteux de certaines des entreprises qui font la pluie et le beau temps sur l'ile de Montréal, celui-ci se retrouve désormais éjecté du jeu politique pour avoir trop voulu en suivre les règles. Refusant le rôle de bouc émissaire et de victime expiatoire, c'est ainsi, du reste, qu'il se plait à présenter la chose.




Aux dires de Labonté, un personnage rongé par l'ambition et somme toute assez peu recommandable, les pores de la vie politique montréalaise exhalent littéralement la corruption.



 Les règles qui encadrent le financement des partis politiques sont régulièrement bafouées, a-t-il confirmé, et les entreprises désireuses de décrocher de la ville de juteux contrats ont recours aux prête-noms ou aux dons anonymes pour contourner l'interdiction qui leur est faite de contribuer directement au financement des campagnes électorales locales. La pratique des ristournes politiques sur les contrats ou les subventions octroyées par la ville y serait érigée en système, un système qu'il a qualifié de "mafieux". En outre, ils seraient plus nombreux qu'on ne le croit, politiciens comme fonctionnaires, à bénéficier des largesses de ceux qui s'adonnent au trafic d'influence. Beaucoup d'allégations pour un seul et même homme, même s'il n'y a rien de bien neuf dans ce genre de propos qui, au mieux, apportent une confirmation à ce que l'on savait déjà, à savoir que la loi est un véritable gruyère .



L'onde de choc générée par cette sortie a largement dépassé les frontières de Montréal. C'est le Québec tout entier qui a accusé le coup. Le gouvernement du Québec, lui, a fait mine d'être surpris et, à défaut de décréter la tenue d'une enquête publique, a plutôt décidé de mettre sur pied une escouade policière spécialisée avec le mandat de faire la chasse aux entrepreneurs véreux.



Montréal aurait pourtant bien besoin d'un nouveau Pacifique "Pax" Plante pour dissiper "l'odeur de purin" en provenance de l'hotel de Ville. Montréal et bien d'autres villes, en fait. Pour l'instant, du moins, mieux vaut oublier ça. Les libéraux au pouvoir ne sont pas bêtes au point de se précipiter dans ce panneau béant sans au moins faire le minimum pour tenter de l'éviter. 



Après les révélations sur la douteuse gestion de la SHDM, une société para-municipale échappant à tout contrôle de la part des élus,  celles entourant la saga des compteurs d'eau, sans oublier  le scandale provoqué par les tribulations nautiques de Frank Zampino, ex-président du comité exécutif de la Ville, pointé du doigt pour ses accointances avec un entrepreneur au patronyme trop italien pour ne pas éveiller de soupçons, on croyait bien avoir atteint le fond du baril. C'était sous-estimer la formidable capacité des édiles montréalais à nous ébahir par le récit de leurs truculantes aventures. Le plus surprenant dans tout ça, c'est que Gérald Tremblay parvienne encore à se maintenir la tête hors de l'eau.




                                                                  ***




PENDANT CE TEMPS, À QUÉBEC...









Pendant ce temps, à Québec, on suit cette histoire fertile en rebondissements comme s'il s'agissait d'une télé-série diffusée aux heures de grande écoute, avec un mélange d'amusement, de consternation et de...détachement.



Il n'est certes pas charitable de se réjouir du malheur d'autrui. En notre for intérieur, toutefois, on ricane secrètement. C'est comme si c'était plus fort que nous. Québec est et restera comme ça, toujours prête à se taper sur les cuisses chaque fois que Montréal trébuche. On ne parvient qu'au prix d'énormes difficultés à réprimer un sourire devant les turpitudes de la grande rivale montréalaise. Fort heureusement, notre sens inné des convenances nous y aide. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'y a pourtant pas de quoi se bidonner.



Pour Régis Labeaume, c'est une véritable aubaine. Pourquoi croyez-vous que Régis Labeaume affectionne tant son "ami" Gérald à qui il ne manque jamais de prodiguer conseils et encouragements ? Celui-ci pouvait difficilement espérer mieux, comme faire valoir, que cet être falot et incapable à la tête de la première ville du Québec. Les montréalais bavent d'ailleurs à l'idée de voir un Régis Labeaume débarquer chez eux. Ce n'est pas pour rien si les médias de là-bas l'ont sacré "politicien de l'heure".




 Alors que Gérald n'en finit plus de pédaler dans la semoule et de plaider les circonstances atténuantes, Régis, lui, cogne à la porte des gouvernements, continue de brasser des affaires et se frotte les mains. Et pendant que Montréal panse ses plaies, Québec marque le pas et dame le pion à sa grande soeur.  C'est ainsi que l'on perçoit les choses à ce bout ci de l'autoroute Jean-Lesage.




L'autre raison de notre relative insensibilité à ce qui se passe du côté de Montréal, c'est que l'on s'estime peu concernés par ces rocambolesques histoires de magouilles qui mettent en scène des acteurs de premier plan de la scène municipale acoquinés à de riches et influents entrepreneurs. Peu concernés, voire même un peu à l'abri de tout ça. Après tout, la mafia, c'est d'abord et avant tout à Montréal qu'elle sévit, n'est-ce pas ? Il y a à Québec, et possiblement ailleurs dans la province, cette idée que l'on est en présence d'un phénomène essentiellement montréalais qui a peu à voir avec notre réalité.



Ce que l'on a un peu tendance à oublier, c'est que la loi est la même pour tous. Elle n'existe aucune raison de croire qu'elle soit plus étanche à Québec ou en province qu'à Montréal et sa couronne.




                                                                   ***



Histoire de dissiper tout doute dans l'esprit des citoyens de la Capitale, Régis Labeaume a juré, la main sur le coeur, qu'à Québec, on "lavait plus blanc que blanc" et qu'ici, les risques de collusion étaient réduits au strict minimum. "(...) des histoires d'administrateurs et de hauts fonctionnaires impliqués dans des magouilles, ça n'existe pas", s'est-il empressé de déclarer à l'animateur Bruno Savard, de Canal Vox, à l'occasion d'une entrevue diffusée le 23 octobre dernier. S'il le dit....



Celui qui parle, soit dit en passant, c'est l'homme qui a unilatéralement confié à la SNCF le soin de réaliser une étude pour confirmer la viabilité économique  d'un TGV dans le corridor Québec-Windsor, qui a, sans résolution du Comité exécutif de la Ville ou du conseil Municipal, octroyé à BPR un contrat pour chiffrer les coûts d'un nouveau Colisée et qui s'apprête à conclure en catimini une entente de gré à gré avec NovaBus, en court-circuitant le Conseil d'administration du RTC, pour que Québec serve de banc d'essai à deux nouveaux prototypes d'autobus écologiques. Jusqu'ici, personne n'a sourcillé... Rien pour se rassurer...



Je m'égare. Revenons à nos moutons.



On aurait bien aimé que la maire élabore davantage sur les raisons qui lui permettent d'être si affirmatif quand il avance que Québec est épargée par la gangrène qui ronge Montréal.  Qu'est-ce qui l'incite à se montrer si confiant ?



Le maire sortant a avoué être habité d'une "hantise totale" à l'idée que sa ville devienne victime de la collusion ou des manoeuvres dolosives des fournisseurs et autres demandeurs d'ouvrage qui frappent régulièrement à sa porte. Pour tout dire, il eut été judicieux qu'il nous fasse partager la stratégie mise en oeuvre pour contenir ce risque, toujours présent, ou pour juguler les tentatives de s'enrichir indûment aux dépens des contribuables.



Car l'histoire récente démontre que la Ville de Québec n'est pas immunisée contre ce fléau, quoiqu'en pense notre très consensuel maire que je soupçonne, incidemment, d'avoir voulu se montrer plus jovialiste et rassurant que nécessaire. Contexte électoral oblige....



Il suffit de se remémorer l'épisode du "cartel de la neige" ou celui du "cartel du béton" pour s'en convaincre. Et que je sache, la Cosa Nostra n'avait rien à voir dans ça. Les truands pris la main dans le sac étaient tous de bons petits entrepreneurs bien de chez-nous, avec des noms dont l'épellation ne causait aucun problème.




Bon an, mal an, la Ville de Québec débourse des centaines de millions de dollars pour l'obtention de biens et services de diverses natures. Depuis la constitution de la ville nouvelle, nombreux ont été les élus à se soucier d'équité et de transparence dans l'attribution de ces contrats. Mais à Québec, le processus d'octroi des contrats demeure assez opaque et complexe. Les outils mis à la disposition des élus pour veiller au respect des règles applicables demeurent somme toute peu nombreux et franchement déficients. S'il existe des garde-fous, on s'est bien gardé de nous en faire part.




Les élus du Conseil municipal, lorsqu'invités à adjuger un contrat à la suite d'un appel d'offre, disposent de fort peu d'informations et celles-ci s'avèrent généralement insuffisantes pour porter un jugement éclairé sur la démarche qu'on leur demande d'avaliser. À titre d'illustration, le devis n'est jamais joint aux sommaires décisionnels, lesquels, au surplus, ne sont guère étoffés.




                                                               ***

 


Il arrive parfois qu'un contrat soit adjugé, non pas au plus bas soumissionnaire, mais à celui qui a obtenu le plus haut pointage en application d'une grille de pondération prenant en compte différents critères préalablement identifiés, il est vrai, par le Conseil municipal. En vertu de ce système, il est tout à fait envisageable et conforme à la loi qu'un contrat soit accordé à un fournisseur de biens ou de services autre que le plus bas soumissionnaire conforme, donc à un prix plus élevé.



Dans certaines circonstances, la loi permet, en effet, aux villes de s'assurer à l'avance du niveau de qualité des services offerts par les différents fournisseurs susceptibles de se qualifier pour un contrat. Quelles circonstances ? En général, on y a recours lorsque que l'on attend du fournisseur qu'il détienne une expertise pointue dans un domaine d'activité donné. À ce chapitre, cependant, la législation accorde aux municipalités une large marge d'appréciation...



Un exemple ? Il y a quelques semaines à peine, l'administration Labeaume a soumis au Conseil municipal, pour adoption, une proposition de grille de pondération en vue d'un appel d'offre pour le choix d'une ...agence de voyages. Le dossier a été retiré devant les réticences des membres du Conseil municipal qui n'ont retenu aucunes des justifications invoquées pour s'écarter de la règle générale voulant que soit retenu le plus bas soumissionnaire conforme.


 
Lorsque cette solution est retenue, les élus ne se voient alors communiquer que le pointage final attribué à chacun des soumissionnaires. L'identité des personnes ayant participé à l'évaluation des soumissionnaires n'est jamais divulguée et il n'est pas possible de contrevérifier le travail d'analyse accompli par ceux-ci. Comment, dans de telles conditions, s'assurer que le tout s'est déroulé selon les règles de l'art ? En réalité, il n'existe aucun moyen...On nous demande de faire acte de foi.



                                                                ***








Nouveau cas de figure. Reculons quelques années en arrière. Pas si loin que ça. Un incident est venu rappeler à quel point aucune municipalité n'est exempte d'éventuels dérapages.




La Ville de Québec se proposait de distribuer à grande échelle de nouveaux bacs de recyclage d'une capacité de 160 l. Il fallait bien sûr trouver un fournisseur. Un devis a conséquemment été confectionné. Jusque là, rien de bien troublant.



Après que l'appel d'offre eut été lancé, deux fournisseurs potentiels se sont manifesté auprès de différents intervenants pour dénoncer l'une des exigences de ce devis. Celle-ci avait trait à la couleur du bac. La ville demandait qu'il soit bleu, cela s'entend. Mais d'un bleu si particulier qu'un seul fournisseur était en mesure d'y répondre. Tiens donc !



Pourquoi cette teinte de bleu et aucune autre ? La question se posait. Question qui a été transmise illico à la haute direction de la Ville, laquelle n'a jamais été en mesure de fournir une explication plausible pour justifier cette demande. Tant et si bien que dans le but d'éviter une controverse ou une contestation éventuelle, elle a dû reculer et modifier le devis.



En bout de piste, le contrat a tout de même été adjugé au fournisseur que cette clause du devis semblait avantager.  Question de respect du délai de livraison, voyez-vous.  Il s'agissait d'une commande importante impliquant la production de dizaines de milliers de bacs. Apparemment, le fournisseur qui a décroché le contrat disposait déjà d'un inventaire suffisant de bacs répondant en tous points aux exigences de la Ville de Québec, prêts à être livrés sur demande...



L'honneur de la Ville fut sauf..


                                                                 ***



Dernier cas de figure. Beaucoup plus récent, celui-là. Peu avant le déclenchement des élections, l'administration Labeaume a requis de trois conseils d'arrondissement (La Cité, Limoilou, Les Rivières) qu'ils procèdent à l'adjudication de divers contrats d'une durée de cinq ans, totalisant près de 40 M $ et ayant tous le même objet : confier au secteur privé la collecte et le transport des ordures ménagères là où cette tâche est présentement asssumée en régie, par les cols bleus de la Ville. Le maire avait déjà confié son intention d'aller de l'avant avec la privatisation de ce secteur d'activité. L'affaire a été menée en douce, sans tambours, ni trompettes.



Malaise chez les élus concernés par cette décision. Ces derniers regimbent.  On n'a pas pris la peine de leur faire la démonstration des avantages  associés à un changement dont les implications sont loin d'être négligeables. En outre, le Conseil municipal n'en a jamais été saisi et n'a pas donné son aval.




Devant ces protestations, l'administration s'agite, se ravise et convoque en catastrophe un comité plénier dans le dessein de rallier les élus récalcitrants. L'information est livrée au compte-goutte, avec réticence, sous le fallacieux prétexte que les syndicats s'apprêtent à contester l'orientation de la Ville et qu'il faut à tout prix éviter le coulage d'information sensible. Les fonctionnaires commis d'office plaident en marchant sur des oeufs que l'affaire est risquée, mais tout de même avantageuse pour la Ville. Cependant, on refuse net de nous communiquer l'ensemble des documents et rapports d'étude sur lesquels l'administration appuie sa démonstration. La confiance des élus est mise à rude épreuve.




Autre source d'inconfort. En dépit des précautions prises par la Ville qui a fait le choix délibéré de fractionner les contrats, un seul et même soumissionnaire remporte la mise sur l'ensemble des lots.




Que fait alors l'administration pour calmer les inquiétudes légitimes des élus ? Rien, absolument rien. Malgré l'urgence, elle renonce à convaincre ceux-ci du bien-fondé de l'opération.



Le dossier est mis sur la glace, dans l'attente des élus qui entreront en fonction après le 1er novembre prochain. En faisant le pari que ces derniers se montreront plus compréhensifs. Ce qui ne devrait pas être trop difficile si, comme prévu, Régis Labeaume remporte une majorité de sièges. Le dossier devrait leur être soumis le 16 novembre prochain.


                                                            ***



Le maire sortant nous assure que la Capitale est "Spic'n span" sur le plan de la gestion des contrats municipaux.


Question : Cela vous rassure-t-il ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Loin de moi de penser a faire une chasse aux sorcières, mais le sysyème est pourrie. peu importe le palier de gouvernement, le ministère, les parties politiques ou la municipalité, les troues béants aux faiblesses et aux largesses, sont connus de tous ceux qui y fourmillent et nous pauvres contribuables avons comme mandat de renflouer les pertes encourrus par des manoeuvres légales, mais combien non ethiques. Une commission d,enquête en parallèlles à l'escoude Marteau est primordiale. Peu importe les allégeance.
Bonne vularisation du
problème M. Loubier.
Maxime Lapierre, Québec